Depuis qu’elle n’était qu’un tout petit bambin, on lui avait raconté l’histoire absurde qu’elle était une sorte de petit angelot tombé des nues et depuis toujours, elle semblait se raccrocher à cette idée pour expliquer bon nombre de ses travers. L’histoire disait qu’avant la naissance, chaque âme sait tout ce qui va lui arriver. Elle connaît son histoire, s’en empreigne, apprend à l’accepter et à l’aimer. Lorsque le plus gros du travail est fait, un ange salvateur vient délicatement poser son index sur la bouche du nourrisson pour lui ôté tout souvenir et le lié au secret. Ensuite, vient le premier cri et toutes ces foutaises. Elle avait aussi entendu cette histoire de fées que le premier rire du premier bébé du monde avait provoquée. Une autre disant que tous les bébés étaient des cadeaux... Sa mère était une conteuse hors pair d’histoire et elle excusait souvent les erreurs de sa fille avec un : « c’était ainsi, c’était écrit ». Enfant douée et calculatrice, Harper avait rapidement compris que puisque tout était écrit, tout était permis. Avec les années, les vices avaient augmentés. Et voilà qu’aujourd’hui, assise sur ce canapé franchement démodé, elle laissait libre cours à la folie de son imagination. C’était ainsi, c’était écrit. Pour Harper Brackenburies, sa rencontre avec Loric Conely n’avait absolument rien d’hasardeux. Au contraire. Le destin l’avait envoyé à elle et le feu ardent qui l’animait en sa présence n’était que les symptômes du souvenir trouble de son âme prétendument effacée. Il semblerait qu’au Paradis, un ange avait mal agis ! Cette histoire qu’elle sassait, alors qu’une semi-pénombre l’entourait, ne la dérida que pendant quelques minutes et l’attente lui sembla si vivement insupportable qu’elle vint à soupirer lourdement. Dans les cuissardes qu’elle portait, elle avait glissé un briquet, objet dont elle ne se séparait jamais. Ses yeux glissèrent alors lentement jusqu’à sa cuisse alors que ses doigts vinrent enlacés le métal froid. Tournant l’objet dans tous les sens, elle fut comme subjugué par les scintillements que la lumière provoquait. À mainte reprise elle actionna l’engin et découvrit une flamme dansante que ses yeux ne parvenaient guère plus à lâcher. Ses doigts couraient avec malice et plaisir sur cette chaleur vacillante. La brûlant et l’étourdissant d’émerveillement à la fois. Certain disait d’elle qu’elle était folle car elle adorait cela, le feu. Mais ce n’était plus de la folie, c’était une passion, un fanatisme aigüe, un besoin inexplicable. Voir ses mains noircies et abîmées parce qu’elle appelait une flamme de bien être n’était que le résultat d’une journée heureuse. Elle avait beau avoir les mains sérieusement dégradées à force d’en jouer, mais cela ne la gênait pas. Toutefois, impatiente, même la douleur lui embrasant les doigts ne suffisaient pas à calmer son irritation montante. Attendre, toujours attendre… Qu’il se presse ! Elle s’était alors dressé d’un bond et avait rapidement parcouru le petit appartement. Caressant les draps du jeune homme, laissant glisser ses doigts sur ses sous-vêtement, s’ouvrant une canette de coca où elle ne trempa même pas une lèvre ou doigt et finalement, son regard inquisiteur était tombé sur une photo. Trainassant comme s’il ne s’agissait de rien. Et dans le fond, ça ne devait être rien. Mais exaspéré par le sourire profondément joyeux de la minette aux côtés de SON prince, elle ne put s’empêcher de la flamber en deux ou trois mouvements agiles. Souriant en voyant le visage lumineux disparaître. Elle cherchait encore à se divertir quand le bruit de l’ascenseur attira son attention, se pressant, elle courra jusqu’au canapé pour adopter une pause aguichante et saluer son étalon dès qu’il ouvrirait la porte...

« AAAAHHHHHHH !!! » Un grand sourire illumina ses traits quelques peu boudeurs. Elle savait que venir nue son un impair rendrait les choses très excitantes mais avait-elle seulement imaginé de faire un tel effet ? Non, pas une seconde. « Je savais que j’étais orgasmique, mais si tu pouvais m’attendre avant d’attendre le point culminant de ton plaisir… » avait-il susurrer mielleuse. Ne quittant pas sa place, elle l’observe et ne peut qu’apprécier la vie de ses cheveux humides et son imagination suffit pour lui faire entrevoir le corps musclé de l’Apollon qu’elle désire. Elle espère tellement qu’il est heureux de la voir, cependant, elle sait qu’il se refuse à elle. Il n’a pas encore compris. On n’échappe pas à Harper, on lui donne ce qu’elle veut. Sinon ? Et bien, elle le prend et sans consentement ! Mais généralement, on ne lui résiste pas bien longtemps. Il n’y a qu’à voir ses grands yeux bleus, son sourire enjôleur et ses petites mimiques simulées. « Harper ! Comment t'es entrée ? » Pff, elle soupire. Pourquoi cette question ? Après tout, on s’en foutait un peu de savoir ce qu’elle avait fait pour en arrivé là mais force était de constater qu’elle avait été capable de le faire pour lui faire cette surprise. Sur une voix monotone elle déclara alors, complètement désabusée : « Qui êtes vous ? Que voulez vous ? Toujours ces mêmes foutues questions ! Ah… Non, t’as raison, je me trompe de film. En fait, j’ai fait une ce-qui-t'as-fait-hurlé-la-dernière-fois au concierge et il m’a filé les clés. Ca te va comme réponse ou..? » Agacée, elle décroisa les jambes et se redressa pour ôter son impair et lui offrir le plus beau des cadeaux. Son cœur tendrement offert ! Mais voilà, elle n’a même pas le temps de se redresser que monsieur s’est déjà envolé. Tel un petit bébé à qui on aurait menacé d’une fessée, il s’était planqué ! Grinçant des dents, elle vint se coller à la porte et entretien avec cette dernière une sorte de danse lascive qu’il ne peut voir mais qui lui redonne contenance, à elle. Perturbé par ce : « Va-t-en HARPER ! J'en ai marre de toi ! Je vais appeler les flics si tu continues ! T'es FOLLE ! T'es totalement FOLLE ! Va consulter espèce de dégénérée ! », elle cesse tout mouvement et commence à faire la moue, boudeuse. Elle ne sait pas trop ce qui la pousse à l’aimer lui plus qu’un autre. Il est tellement… prétentieux, immature, narcissique, égoïste, infidèle et bien d’autre chose encore. Et pourtant. On dirait presqu’elle l’aime à en mourir. Hein, dites, c’est ça l’amour ? Quand ça picote dans le ventre, quand sa donne des papillons dans la tête et des flammes dans les yeux ? Dites, c’est ça hein ? Ce n’est pas un truc qui se mange, vous êtes sûr ? Oui, définitivement, elle se croit éperdument amoureuse de lui. Peut-être à tort. Elle se colle alors à la porte, dépose son oreille sur cette dernière alors que sa main caresse furieusement le bois. « Je ne suis pas FOLLE ! Je t’aime, tu peux pas comprendre, toi. L’amour tu sais pas ce que c’est ! ET T’AS QU’A APPELER LES FLICS, SI TU VEUX… » se reculant soudain, elle récupère son briquet qu’elle avait délaissé sur la table de salon et jouant avec ce dernier, elle vient brûler ici et là ce qui se trouve sur son passage. Un petit bout de tenture, une plante verte, un t-shirt visiblement délaissé là. Les odeurs de combustion devraient probablement lui parvenir avant qu’elle ne risque d’une voix presque inaudible pour lui un : « J’aurai déjà foutu le feu à l’appartement. » » Un rire sadique digne d’un dessin animé lui échappa alors qu’elle hurla d’une voix autoritaire : « Ouvre cette porte où je te promets que tu peux dire au revoir à tout ce que tu possèdes, Conely… Allez, fais pas l’enfant. Je vais pas te bouffer… » pas de suite, pensa-t-elle sans en dire mot. Allez, une once de courage monsieur Parfait, sinon, finit la belle image !